1/ QU’EST-CE QUE LA RECEPTION DES TRAVAUX ?
La réception est une étape clé dans la vie d’un chantier : elle permet au maître de l’ouvrage (Celui qui fait construire) d’accepter, ou non, l’immeuble réalisé par l’entrepreneur et de formuler des réserves en cas de vices de construction ou de non-conformités affectant l’immeuble réceptionné.
L’article 1792-6 du Code civil définit ainsi la réception :
« La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut, judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006443552/
2/ QUELS SONT LES EFFETS DE LA RECEPTION ?
La réception a pour effet de mettre fin au contrat de louage d’ouvrage (contrat ayant pour objet la construction d’un immeuble ou l’exécution de travaux sur un immeuble) de sorte qu’elle marque en principe l’achèvement des travaux.
La réception a donc pour objet de libérer l’entrepreneur de l’exécution de son marché et marque l’acceptation en l’état par le maître de l’ouvrage des travaux exécutés.
Ainsi, lors de la réception, si le maître d’ouvrage constate des désordres, il doit impérativement les consigner dans le procès-verbal de réception sous la forme de réserves.
Les désordres apparents et non réservés sont alors couverts par la réception qui joue alors le rôle de quitus pour les défauts de conformité et les vices apparents de l’ouvrage qui n’ont pas été réservés.

La réception sans réserve purge donc l’ouvrage des désordres apparents et rend exigible le solde du prix.
Par ailleurs, le deuxième effet de la réception est qu’elle transfert les risque affectant la construction (vol, incendie) du constructeur qui en avait jusqu’alors la garde au maître d’ouvrage.
Enfin, troisième effet, la réception marque le point de départ des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie de bon fonctionnement et garantie décennale) ainsi que de la responsabilité de droit commun des constructeurs (art 1792-4-3 Code Civil).
Elle est donc capitale dès lors qu’elle est une condition sine qua non de la mise en jeu de la garantie décennale et de son assurance obligatoire. En l’absence de réception, le maître d’ouvrage ne pourra faire jouer la garantie décennale du constructeur et l’assurance attachée à cette garantie.
Petit rappel sur les différentes garanties :
- Garantie de parfait achèvement: garantie d’un an après la réception, due exclusivement par l’entrepreneur. Cette garantie s’étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l’ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite s’ils se révèlent postérieurement à la réception.
- Garantie de bon fonctionnement: concerne les dommages qui affectent les éléments d’équipement non indissociables de l’ouvrage et qui ne portent atteinte ni à la solidité de l’immeuble, ni à sa destination. Cette garantie est de deux ans à compter de la réception.
- Garantie décennale : concerne les dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectent dans l’un de ces éléments constitutifs ou l’un de ces éléments d’équipement et le rendent impropres à sa destination. Cette responsabilité est de dix ans à compter de la réception.
A défaut de réception, les garanties légales ne peuvent être invoquées.
Ainsi, si une inexécution ou une mauvaise exécution contractuelle est alléguée par le maître d’ouvrage, ce dernier pourra seulement agir à l’encontre du constructeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
Il devra alors démontrer que celui-ci a commis une faute dans l’exécution de son contrat, ce qui sera moins aisé.
3/ QUELLE EST LA DIFFERENCE ENTRE LA RECEPTION ET LA LIVRAISON ?
Même si la livraison et la réception de l’ouvrage sont des actes à l’origine de droits et de devoirs similaires, ils ne doivent pas être confondus.
En effet, la livraison d’un ouvrage intervient entre le vendeur et l’acquéreur et relève de l’obligation de délivrance tandis que la réception intéresse uniquement les rapports entre le maître d’ouvrage et les constructeurs.

En pratique, dans le cadre d’un immeuble vendu en l’état futur d’achèvement (VEFA), la réception et la livraison interviennent souvent le même jour afin de couvrir les mêmes désordres réservés par le maître d’ouvrage (constructeur, promoteur immobilier) et l’acquéreur en VEFA.
4/ QUAND PROCEDER A LA RECEPTION ?
La réception doit intervenir à l’achèvement des travaux même si des malfaçons ou des défauts de conformité demeurent.
Il a longtemps été considéré que la réception ne pouvait intervenir qu’à l’achèvement complet de l’ouvrage.
D’ailleurs, la norme NF P03-001 dite « cahier des clauses administratives générales » très souvent contractualisée dans le cadre des marchés de travaux privés, dispose à l’article 17.2, que la réception ne peut être demandée qu’à l’achèvement de l’ouvrage prévu au marché de l’entrepreneur.
Pourtant, l’achèvement n’est pas une condition de la réception.
En effet, aujourd’hui, l’achèvement complet de l’ouvrage n’est plus une condition de la réception. La réception peut ainsi être prononcée alors même que l’immeuble n’est pas habitable.
Le principe selon lequel l’achèvement des travaux n’est pas une condition de la prise de possession et de la réception d’un ouvrage a été réaffirmé récemment par la jurisprudence (V. en ce sens : Cass. 3e civ., 30 janv. 2019, n°18-10.197).
Toutefois, la jurisprudence considère que la réception doit avoir lieu à la date à laquelle les ouvrages sont en état d’être reçus.
La notion d’ouvrage en « état d’être reçu » est une question de fait (le Juge apprécie au cas par cas et souverainement cette question au regard des faits du dossier).
En pratique, cela signifie que l’ouvrage destiné à l’occupation doit être habitable pour être réceptionné.
Le fait que la réception puisse désormais intervenir sans achèvement complet de l’ouvrage est justifié par l’intérêt de pouvoir mettre en œuvre les garanties légales et donc l’assurance de dommages au plus vite évitant ainsi de se heurter aux insolvabilités potentielles des intervenants au chantier.
Il est donc vivement recommandé au maître d’ouvrage de réceptionner si les travaux sont globalement achevés.
Si le maître de l’ouvrage qui réceptionne les travaux se borne à dresser un constat de l’état des lieux : cela ne signifie pas qu’il n’exercera aucun recours contre l’entreprise.
Celui qui reçoit les travaux ne renonce pas à ses actions !
5/ COMMENT S’EFFECTUE LA RECEPTION ?

La réception traduit la volonté du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux, avec ou sans réserve, et doit être prononcée contradictoirement.
En pratique, les opérations de réception s’opèrent en présence de l’ensemble des intervenants à l’opération de construction (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, entreprise).
Ainsi, une simple déclaration d’achèvement de travaux faite par le maître d’œuvre ou un constat de chantier signé entre l’entreprise et le maître d’œuvre ne peuvent en aucun cas constituer une réception.
- LES DIFFERENTS TYPES DE RECEPTION :
o La réception expresse ou tacite :
La réception doit en règle générale faire l’objet d’un écrit : le procès-verbal de réception qui doit être signé par le maître d’ouvrage et l’entreprise.
Sur ce procès-verbal de réception, le maître d’ouvrage ne doit pas hésiter à noter toutes les réserves (ce qui ne va pas, les défauts de conformité et les désordres apparents) car l’entreprise aura alors l’obligation contractuelle de « lever » ces réserves, c’est-à-dire des travaux de reprise (la levée des réserves relève de l’obligation de résultat de l’entreprise).
Les vices apparents à la réception relèvent ainsi de la garantie de parfait achèvement. Le constructeur dispose alors d’un délai d’un an pour faire réaliser les travaux qui ont fait l’objet de réserves. D’où l’importance de bien noter les réserves car la réception sans réserve purge l’ouvrage de ses vices apparents.
Toutefois, dans certains cas, la réception peut être tacite.
La réception tacite peut être invoquée par le maître de l’ouvrage, surtout s’il compte bénéficier des garanties légales et de l’assurance construction, ou par le constructeur, s’il entend être garanti par l’assureur.
L’éventuelle réception tacite impose que soit rapportée la preuve de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux, qui peut s’exprimer notamment par un paiement intégral des travaux et/ou la prise de possession de l’ouvrage.
Ces critères sont appréciés de façon souveraine par les juridictions.
o La réception sans réserve :
Dans l’hypothèse où tout est conforme au contrat conclu entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur-constructeur, le procès-verbal est signé sans aucune réserve.
Cela signifie qu’aucun vice apparent ou défaut de conformité n’a été détecté.
Par conséquent, en signant un PV vierge de réserves, le maître d’ouvrage renonce expressément à demander la réparation d’un vice apparent à réception.
Les autres, c’est-à-dire ceux apparus dans le délai d’un an après réception, seront pris en charge dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.
o La réception avec réserves :
Si les travaux réalisés ne sont pas conformes à ce qu’il a été contractuellement convenu mais leur faible importance en termes d’habitabilité permet de prononcer tout de même la réception, un procès-verbal est signé avec réserves.
L’entreprise devra procéder à la levée des réserves dans le délai indiqué.
Ces vices apparents à la réception seront couverts par la garantie de parfait achèvement.
o Le refus de réceptionner :
Dans certains cas, l’édification d’une construction ne se déroule pas dans des conditions optimales et la réception de l’ouvrage ne peut se faire.
En effet, si les travaux sont inachevés ou l’immeuble ne permet pas une utilisation conforme à sa destination, le maître d’ouvrage peut refuser alors la réception.
Si le maître de l’ouvrage refuse de prononcer la réception, elle peut être demandée par l’un des constructeurs, soit amiablement, soit, en cas de refus persistant, judiciairement.
o La réception judiciaire :
Les parties n’arrivant pas à se mettre d’accord ni sur la date de la réception, ni sur la nature des réserves, il convient de recourir à la réception forcée.
Il est alors demandé au juge de prononcer la réception des travaux lorsque l’une des parties s’y soustrait.
Le demandeur à l’action peut être le maître de l’ouvrage ou l’entrepreneur.
L’un des intérêts de la réception judiciaire est de faire courir les délais de garantie. Le Juge fixera alors la réception à la date à laquelle les ouvrages sont « en état d’être reçus ».
Ainsi, la réception judiciaire ne pourra pas être refusée si l’ouvrage est habitable mais elle le sera si les non-conformités sont importantes et rendent le bien inhabitable.
6/ QU’EST-CE QU’UN DESORDRE APPARENT ?
Un désordre apparent est un désordre visible pour le maître d’ouvrage non professionnel de l’immobilier ou de la construction.
Selon la jurisprudence, le caractère apparent ou caché des désordres s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage, normalement diligent, au jour de la réception (V. en ce sens : Cass., Civ. 3ème, 23 novembre 1976).
La qualité de professionnel ou de profane est utilisé par les juges du fond pour apprécier le caractère apparent ou caché d’un désordre (V. en ce sens : Cass., Civ. 3ème, 6 juillet 2010).
Seuls les désordres qui ne sont pas visibles pour un non-professionnel de la construction au moment de la réception relèvent de la garantie décennale ou de la garantie de bon fonctionnement.
Toutefois, les tribunaux considèrent qu’un dommage signalé à la réception, mais révélé seulement après dans toute son ampleur et ses conséquences, peut constituer un désordre susceptible de relever de la garantie décennale.
7/ QUI DOIT PROCEDER A LA RECEPTION DES TRAVAUX ?
L’article 1792-6 alinéa 1er du Code civil dispose que la réception « intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »
En pratique, la réception intervient le plus souvent à l’initiative des locateurs d’ouvrage (entreprise de travaux, architecte etc.).
Le maître de l’ouvrage profane peut se faire accompagner d’un professionnel, assistant à maîtrise d’ouvrage ou d’un expert lors de la réception des travaux afin de lister déterminer les désordres apparents devant faire l’objet de réserves.

Si vous avez des questions en lien avec mon article ou que vous souhaitez que je vous conseille ou vous défende dans un dossier, vous pouvez faire appel au cabinet.